Par Amandine PORCHER SALA, doctorante en gérontologie et en ergonomie, Université de Sherbrooke (Qc) et Université Bretagne Sud (Fr)

 

Les publications du ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que du ministère de la Famille et des Aînés du Québec font explicitement apparaître les technologies de l’information et de la communication comme des moyens de participation sociale et de lutte contre l’isolement. En 2015, la ministre d’État aux Aînés du Canada, Alice Wrong, annonçait que le réseau de recherche AGE-WELL recevrait 36,6 millions de dollars sur cinq ans afin d’aider les aînés à vivre de façon autonome dans leur foyer, notamment grâce à des nouvelles technologies (capteurs intelligents, robotique…).

Dans un contexte de vieillissement de la population, les dispositifs technologiques représenteraient donc un intérêt réel pour « bien vieillir ». Ces dispositifs peuvent soutenir la communication, la mémoire, la motricité, l’alimentation, les soins médicaux… Par ailleurs, certains dispositifs participent au bien-être, à l’amusement et aux loisirs. En effet, on oublie parfois que technologie peut aussi rimer avec plaisir. Cet « oubli » renvoie en partie à des croyances fondées sur des stéréotypes liés au vieillissement ou aux technologies.

N’avez-vous jamais entendu que « les personnes aînées ne s’intéressent pas aux technologies », qu’elles « résistent aux changements », ou encore, oserait-on l’écrire, qu’elles « ne sont pas capables de s’en servir » ? Si ces affirmations se révèlent exactes dans certains contextes très précis, elles nous engagent néanmoins à la plus grande prudence. En effet, ces idées préconçues conduisent à développer et maintenir des stéréotypes âgistes. L’âgisme correspond à la discrimination de personnes en raison de leur âge, parce qu’on assimile le vieillissement à la vulnérabilité . Or, vieillir est un processus complexe qui se déroule différemment pour chaque individu. Il n’est d’ailleurs pas rare de rencontrer des aînés extrêmement compétents lorsqu’il s’agit d’utiliser une technologie. Cette compétence a pu être développée même à un âge avancé. Il est intéressant de préciser que des apprentissages nouveaux sont possibles même dans un contexte de vieillissement pathologique. Par exemple, des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ont appris à se servir d’un agenda électronique personnalisé sur un téléphone cellulaire (projet Ap@lz ).  

D’autres idées reçues concernent les technologies. « Trop compliquées », elles finiraient par « tout faire à notre place » au point que « cela nous empêche de penser par nous-mêmes »... Une technologie peut effectivement être difficile à manipuler, et l’on peut légitimement craindre que certaines évolutions mettent un jour à mal notre pouvoir d’agir, de choisir ou de penser. Néanmoins, il n’y a pas de déterminisme technologique. D’une part, les humains montrent régulièrement leur intelligence créative et leur capacité à dépasser les difficultés éprouvées devant une nouvelle technologie. D’autre part, aucun objet, même technologique, n’est intrinsèquement autonome.

En somme, l’utilité d’une technologie et la capacité d’une personne à s’en servir ne se décrètent pas a priori. Ce qui importe, c’est la rencontre concrète entre l’humain et la machine, entre leurs contraintes et potentiels respectifs. Finalement, avec la technologie « rien n’est joué d’avance ». C’est dans l’interaction réelle construite au fil du temps avec ces objets technologiques qu’ils peuvent devenir utiles et utilisables pour chacun d’entre nous. Vous éprouvez le besoin ou l’envie d’utiliser une technologie pour vous aider à « bien vieillir » ? Laissez-vous le temps d’apprendre, d’échouer parfois puis de recommencer, pour finalement vous approprier cet objet afin qu’il devienne pleinement « vôtre ».  


1Beaulieu, M., & Crevier, M. (2013). Quand l’âgisme mène à considérer toutes les personnes aînées comme étant vulnérables et sujettes à la maltraitance. Vie et vieillissement, 11(1), 5-11.
2Imbeault, H.; Bier, N.; Pigot, H.; Gagnon, L.; Marcotte, N.; Fulop, T. & Giroux, S. (2014) Electronic organiser and Alzheimer’s disease: Fact or fiction? Neuropsycholical Rehabilitation, 24(1), 71–100