Par Rachel Ferland, maman d’Anna-Rakia, 6 ans, et de Raphaël, 3 ans

Dès l’âge de trois ans, j’ai bien connu la différence : celle que l’on voit, celle qui questionne. J’ai grandi au Sénégal et au Togo. Je suis blonde, j’ai les yeux bleus, ma peau est pâle. J’aime beaucoup une photo de classe qui me montre entourée d’enfants à la peau chocolatée, aux cheveux d’ébène. Elle me rappelle une enfance heureuse. Elle dit aussi toute la différence apparente entre moi et la majorité qui m’entourait. J’étais pourtant semblable par mes jeux, mes chicanes d’enfants, mes amitiés. J’étais une petite fille comme les autres.


Une famille visible


Aujourd’hui, je suis mère de deux merveilleux enfants nés au Niger. Quel étrange destin ! Je suis une enfant de l’Afrique : par l’enfance, par le coeur, par la culture aussi. Mes enfants le sont par leurs gênes, leur couleur de peau, leurs traits physiques. Nous sommes inversement tout autant québécois. Nous sommes africains, nous sommes québécois. Nous sommes une famille visiblement différente. Lorsque nous marchons, lorsque nous mangeons au restaurant, les regards se portent sur nous. Nous devons apprendre à vivre avec ces regards, et avec les questions parfois indiscrètes qui s’y greffent. Mon mari, mes enfants, moi, mais également tous les autres membres de la famille.

Un enfant qui a été adopté s’insère au sein d’une lignée. Il n’a pas que des parents. Il a des tantes, des cousins, des grands-mamans, etc. Les enfants intègrent les valeurs de leur père, de leur mère, de leurs grands-parents, adoptés ou pas. À Noël dernier, mon fils de trois ans a demandé à son grand-père pourquoi il jouait avec lui comme son papa le fait toujours. Mon beau-père lui a expliqué qu’il a joué avec son fi ls de cette manière, et que maintenant qu’il était grand-papa, il faisait de même avec son petit-fils, et qu’un jour Raphaël ferait de même avec ses enfants. J’ai été très émue. Un grand-papa parlait avec tendresse à son petit-fils de traditions familiales. Les différences visibles disparaissent toujours lorsqu’elles sont entourées d’amour !


Différent à l’école

Quand nos enfants sont petits, l’environnement est relativement contrôlé, protégé. Mais lorsqu’ils commencent l’école, ils sont seuls face à des enfants et des adultes qui ne connaissent pas nécessairement leur histoire.

En maternelle, ma fi lle a vécu de nouveaux regards. Elle a expérimenté une autre différence, celle qu’elle projette en l’absence de sa famille. Elle s’est fait toucher ou questionner sur sa couleur de peau, son nez, ses cheveux. Ma princesse a pleuré, elle s’est mise en colère aussi, mais la plupart du temps, elle a su réagir positivement. Heureusement je n’avais pas attendu que des situations concrètes se présentent pour l’outiller, par le jeu, à répondre à ces situations. La communication formidable que nous avons bâtie depuis qu’elle est bébé lui permet maintenant de faire face aux regards et aux questions, dans la plupart des cas. Un jour, un enfant lui a demandé où était sa vraie mère. Elle lui a dit qu’une fausse mère, cela n’existe pas, tout comme les faux enfants. Que sa vraie maman l’attendait à la maison, et que sa vraie mère du Niger était au Niger. J’ai été si fière d’elle !

Je suis heureuse de pouvoir apprendre à mes enfants que notre différence n’est pas un inconvénient, au contraire ! Même si elle s’accompagne parfois de remises en question, voire de souffrance, la différence est belle, car elle est porteuse d’une grande richesse. Elle garantit notre unicité, notre singularité… Et dans le cas de notre famille, elle est surtout synonyme d’un bonheur incommensurable, d’un amour inconditionnel, car elle est née de l’adoption de nos deux miracles !