Par Denise Normand-Guérette, orthopédagogue, professeure associée au Département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM, rédactrice en chef de Psychologie préventive
 

 

Quel parent, éducatrice ou éducateur, enseignante ou enseignant ne s’est jamais demandé : « Est-ce que l’aide que je donne à l’enfant est adéquate lorsqu’il fait une activité, un devoir, un jeu ou un nouvel apprentissage. Quelle est l’influence de cette aide sur le développement de son autonomie et de son identité ? Au cours d’une recherche-action avec des enfants de maternelle et de 1re année, autant les parents que les enseignantes ont découvert, lors de discussions à partir d’activités filmées à la maison et à l’école, que, sans s’en rendre compte, ils donnaient beaucoup d’aide aux enfants. Pour certains, cela allait même à l’encontre de leur principe éducatif de laisser les enfants expérimenter pour développer leur autonomie. C’est en visionnant ensemble ces activités filmées que parents et enseignantes ont observé qu’ils faisaient parfois la tâche ou une partie de la tâche à la place des enfants, qu’ils ne leur laissaient pas de temps pour réfléchir et faire des essais-erreurs, qu’ils donnaient spontanément des signes d’approbation ou de désapprobation lorsque les enfants les regardaient avec un air interrogateur, ce qui constitue une forme très discrète d’aide. Dans ces différents contextes, les enfants ne développent pas leur capacité à agir par eux-mêmes et leur propre jugement afin de devenir autonomes.

Pourquoi certains adultes ont-ils tendance à donner beaucoup d’aide
aux enfants ?

Plusieurs raisons sont possibles. Voici quelques exemples :

  • On veut éviter à l’enfant :
    • de se décourager ou d’abandonner s’il rencontre des difficultés;
    • de faire des erreurs;
  • de faire une crise parce que ça prend trop de temps pour réaliser l’activité ou que cela demande trop d’efforts.
  • On veut que les productions de l’enfant soient très belles pour qu’il paraisse bien aux yeux des autres.
  • On croit qu’il faut donner de l’aide à l’enfant dès qu’il en demande ou qu’il dit qu’il n’est pas capable.
  • On se sent utile quand on l’aide. 
  • On manque de temps : on pense qu’en aidant l’enfant, on va gagner du temps, mais c’est seulement à court terme qu’on en gagne.
  • Quand on aide l’enfant, c’est une façon de lui montrer qu’on l’aime.

Dans ces différents exemples, les adultes agissent avec la bonne intention d’aider et ne réalisent pas qu’en intervenant ainsi, l’enfant n’apprend pas :

  • à faire des efforts par lui-même, 
  • à chercher des moyens pour résoudre les problèmes, 
  • à persévérer malgré les difficultés,
  • à développer son autonomie.

Qu’est-ce qui pourrait nous aider à changer notre attitude, notre façon de faire pour doser l’aide donnée à l’enfant ?

  • Prendre conscience des raisons qui nous incitent à lui donner beaucoup d’aide.
  • Prendre conscience que pour devenir un adulte qui a une force intérieure, une identité personnelle solide, il faut que :
    • l’enfant soit confronté à la difficulté, 
    • qu’il apprenne à faire des efforts, à agir par lui-même et  à chercher des moyens pour surmonter les difficultés.
  • Pour changer d’attitudes et de pratiques éducatives, il est nécessaire :
    • d’être convaincu que l’enfant peut progresser grâce à ses efforts;
    • de le laisser mettre ses capacités en action;
    • de lui donner la possibilité de vivre des expériences qui exigent d’aller au-delà de ce qu’il croit être ses limites, ce qui l’amène à ressentir la fierté personnelle qui découle des efforts investis pour surmonter les difficultés.

Dans mes recherches en milieu scolaire, certains adultes ont trouvé difficile de laisser l’enfant vivre des situations où il devait travailler davantage et où il risquait également de réagir parce qu’il était habitué à recevoir de l’aide pour faire face aux difficultés. Ce qui les a aidés à modifier leurs attitudes et leurs façons d’intervenir, c’est l’objectif à long terme que l’enfant devienne capable d’agir par lui-même et fier d’avoir réussi à accomplir la tâche en surmontant les difficultés.