Par Marie-Christine Lemerise • Maman de Maxime 8 ans, Simon-Charles 6 ans et Élisabeth 4 ans - Août 2011

 

Je ne suis pas « féministe » ou « socialiste », ni même « idéaliste ». Si vous tenez à me catégoriser, appelez-moi « réaliste ». J’ai 35 ans, trois jeunes enfants et travaille actuellement à mon compte comme avocate. Je proviens, comme bien d’autres, de cette génération de femmes à qui les parents ont fortement valorisé les perspectives de « grandes » carrières, sans toutefois les prévenir qu’en réalité, leur plus grand défi ne serait pas d’atteindre cet objectif de réussite professionnelle, mais d’en conjuguer les exigences avec leur rôle tout aussi important de parent.

Avant de donner naissance à mon deuxième enfant, je pratiquais le droit au sein d’un « prestigieux » cabinet d’avocats, un environnement qui ne rime pas avec « mommy-friendly ». J’appréciais mon travail qui, bien qu’exigeant et parfois stressant, m’apportait beaucoup au plan intellectuel et personnel. Toutefois, après l’arrivée de mes enfants, ma priorité numéro un est naturellement et malgré moi devenue ceux-ci. J’étais constamment déchirée entre les longues heures passées au boulot et le temps passé à la maison. Je me sentais coupable de ne pas être au bureau quand j’étais à la maison et, quand j’y étais, coupable de ne pas être avec mes enfants. Combien de fois me suis-je fait interroger par ma fille qui commençait à peine à parler : « Maman, pourquoi viens-tu toujours me chercher à la garderie en dernier ? » Ce sentiment d’être éparpillée dans de multiples rôles et avec l’impression de n’obtenir de succès nulle part, conjugué aux pressions sociales grandissantes entourant le stéréotype de la « super maman » et des gens de mon entourage qui me répétaient constamment : « tu devrais en profiter, ils grandissent tellement vite… tu ne pourras jamais rattraper ces moments perdus », m’ont conduite à prendre la décision de quitter mon travail. Par ce choix que je n’avais jamais anticipé, j’avais réalisé l’impensable : « Moi, mère au foyer », et ce, après toutes ces années d’études et d’investissement en temps dans ma profession.

J’aurais voulu continuer à travailler à temps partiel ou dans des conditions plus clémentes, mais mon employeur ne pouvait m’offrir cet accommodement, étant lui-même confronté à plusieurs contraintes liées à la nature même de son entreprise et aux demandes toujours plus exigeantes et pressantes de sa clientèle. Bref, j’ai profité de quatre belles années à la maison avec mes enfants, sans toutefois me sentir complètement comblée et épanouie. Ainsi, je devais établir un plan de match. Comment concilier les devoirs, activités sportives, journées pédagogiques, rendez-vous chez le médecin, dentiste, journées de maladie, sans compter les vacances de Noël, la semaine de relâche et les vacances d’été ? Aucun employeur n’aurait pu, même avec mon cv, m’offrir les conditions « idéales » sur un plateau d’argent ! Moi qui n’ai pas la moindre fibre entrepre-neuriale ai conclu que si aucun emploi ne pouvait correspondre à mes besoins, j’allais créer mon propre emploi et ainsi jouir de la flexibilité tant recherchée. Nous avons engagé quelqu’un qui s’occupe des tâches ménagères, de la préparation du souper, et qui accueille les enfants à 15 h 30 après les classes. Je rentre du bureau vers 16 h 30 et me remet au boulot vers 20 h, m’occupant des devoirs et des activités sportives dans l’intervalle. Je travaille de la maison au besoin et je suis maître de la gestion de mon horaire. Je gère les attentes de mes clients qui me rémunèrent de façon à refléter le fait que je ne suis pas disponible à toute heure du jour.

Je suis toutefois bien consciente de ma chance et surtout du fait que la conciliation travail-famille n’est pas seulement un défi de tous les jours pour plusieurs femmes et hommes, mais constitue également un enjeu social qu’on ne peut plus se permettre d’ignorer. Je crois fortement que le rôle de parent est sous-valorisé dans notre société qui se prive, entre autres, de femmes compétentes et intelligentes qui désirent mettre leur savoir-faire au profit de la collectivité tout en restant présentes auprès de leurs enfants qui, ne l’oublions pas, sont les adultes de demain. En ce sens, j’applaudis les mesures proposées par le gouvernement du Québec qui, je l’espère, sauront trouver écho dans le quotidien de plusieurs familles.