Par Carl Lacharité, Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille, Université du Québec à Trois-Rivières
De janvier à mars 2019, les organismes communautaires Famille (OCF) de partout au Québec se sont penchés sur leur expérience de concertation avec d’autres organisations de services sur leur territoire (tables de concertation, comités locaux ou régionaux, etc.). Avec l’accompagnement d’agentes de liaison de la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille (FQOCF), un large portrait des réalités de chaque région quant à ces concertations intersectorielles a été produit. Cette démarche a permis de les décrire à partir de la perspective qu’en ont les OCF et de décrire les pratiques que ces organismes mettent en œuvre pour évoluer dans l’univers du partenariat intersectoriel.

 

En premier lieu, ce travail collectif a permis de mettre en relief la grande variété de thématiques qui anime les concertations intersectorielles pour lesquelles les OCF sont sollicités : les saines habitudes de vie, la pauvreté, la réussite scolaire, le développement des tout-petits, etc. Toutefois, peu importe les thèmes, les familles se trouvent au cœur des débats, des réflexions et des initiatives qui émergent de ces concertations locales, régionales ou provinciales. Sur ce plan, les OCF sont unanimes à proclamer : « En étant présents dans ces concertations, nous travaillons pour les parents et les enfants! » D’ailleurs, la proximité avec les familles qui caractérise l’approche des OCF constitue la principale raison pour laquelle on souhaite leur participation à des instances de concertation. Cela indique que les OCF sont reconnus pour l’expertise particulière qu’ils ont développée dans l’accompagnement et le soutien aux mères, aux pères et à leurs enfants. Ainsi, ces organismes sont devenus des ressources incontournables dans leur communauté, au même titre que les organisations publiques de la santé, des services sociaux, des services de garde et de l’éducation. Dans cette perspective, les acteurs qui œuvrent au bien-être des enfants et de leurs parents considèrent les OCF comme des alliés, des collaborateurs et des partenaires dans l’accomplissement de leurs mandats respectifs. En conséquence, il n’est pas surprenant que plusieurs OCF aient l’impression de « devoir être partout » malgré les ressources – humaines et financières – limitées qu’ils ont à leur disposition.

 

En second lieu, l’examen de leur participation à des concertations amène les OCF à réaliser que la nature de leur engagement repose étroitement sur l’idée de « penser famille ». Cette expression permet de capturer l’essence de la contribution des OCF. L’approche particulière de ces organismes fait en sorte qu’ils ont développé des pratiques de « portage des familles » : les personnes qui y œuvrent « portent » en elles les familles réelles rencontrées quotidiennement, elles les « apportent » avec elles lorsqu’elles se retrouvent à l’extérieur de l’organisme, elles les « rapportent » dans le sens qu’elles mettent les familles à la place où elles doivent être, mais aussi qu’elles mettent en récit la vie de ces dernières. Ainsi, pour les OCF, les concertations constituent des occasions de portage des familles. De plus, dans les concertations, ces organismes sont particulièrement attentifs et sensibles aux situations où les familles sont « déportées », c’est-à-dire qu’elles peuvent être exclues des enjeux qui animent les travaux collectifs.

 

En dernier lieu, la réflexion collective des OCF à propos de leur expérience des concertations permet de dégager un ensemble de pratiques et de stratégies qu’ils déploient dans ces contextes. Prendre part à une concertation signifie pour eux de faire un travail qui exige la maîtrise de savoirs et d’habiletés particulières. Tout comme la cuisine dans nos maisons constitue un espace qui permet de remplir diverses fonctions individuelles et familiales (manger, jouer, raconter sa journée, recevoir la visite, faire les devoirs, discuter de choses importantes, prendre des décisions, etc.), les instances de concertation sont considérées par les OCF comme étant multifonctionnelles. Ce sont des lieux d’engagement et de responsabilité, d’observation, d’apprentissage, de défense des familles, d’affirmation de leur identité, d’influence, de pouvoir, de réflexion, de travail intersectoriel et de décisions stratégiques.

 

En conclusion, pour les OCF, la concertation évoque principalement une action, c’est-à-dire « faire de la concertation ». Cette action repose sur une pratique concrète résultant d’un ensemble de savoirs et d’habiletés que le travail qu’ils ont réalisé à l’hiver 2019 leur permet de mettre en relief. Cette perspective sur la concertation ouvre un large chantier de développement des compétences professionnelles à l’intérieur de leur réseau.