Par Marie Gendron, présidente et directrice générale
Conseil de gestion de l’assurance parentale

 

Dans la littérature scientifique, il y a consensus indiquant que l’implication des pères est un facteur crucial dans le développement de l’enfant. En effet, cette implication va au-delà de la simple présence physique. Elle englobe également les aspects émotionnels, cognitifs et sociaux. De nombreuses études démontrent que lorsque les pères s’impliquent activement dès la naissance de leurs enfants, ces derniers réussissent mieux à l’école et développent de meilleures compétences sociales.

En outre, plus les pères s’occupent d’eux, plus les enfants ont des chances d’être en bonne santé mentale
et physique. Ainsi, promouvoir l’implication des pères dans la vie familiale n’est pas seulement une question d’égalité des sexes, mais une nécessité pour garantir un développement holistique et un épanouissement de l’enfant.

Au Québec, l’introduction du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) en 2006 a redéfini le paysage de la paternité. Véritable précurseur, il a été le premier à offrir aux pères un congé de 5 semaines exclusives. Ce n’est qu’en 2019 que le reste du Canada a emboîté le pas. En 2020, le Québec a une fois de plus innové en ajoutant plusieurs nouvelles mesures au régime. Par exemple, en utilisant la mesure du « bonus au partage », les pères peuvent obtenir jusqu’à 4 semaines additionnelles de congés exclusifs à la condition que le père et la mère partagent plus équitablement les 32 semaines de congés parentaux.
Tout cela dans le but d’encourager les pères à être plus présents auprès de leurs tout-petits.

L’impact du RQAP ne se résume pas à de simples congés de parentalité. Il est un moteur au cœur d’un changement sociétal. En effet, au Québec, à la suite de l’introduction du RQAP, la participation des pères aux congés parentaux a grimpé de 28 % en 2005 à 74 % en 2021. Cette évolution significative dépasse largement les tendances observées dans le reste du Canada, où le taux de participation des pères aux congés parentaux est passé de 11 % en 2005 à seulement 30 % en 2021.

Il existe deux conditions essentielles à la participation des pères dans la sphère familiale (Brandth et Kvande, 2001 ; O’Brien, 2009 ; McKay et Doucet, 2010 ; Rutten, 2012 ; Doucet et McKay et coll., 2012). En premier lieu, les prestations doivent être avantageuses. Ainsi, le revenu maximal assurable, le revenu admissible lors du calcul des prestations, doit être élevé, tout comme le niveau de remplacement de revenu. Le RQAP répond à ces conditions puisque le revenu assurable est de 94 000 $ en 2024, comparativement à 63 200 $ dans le reste du Canada, et qu’il assure un remplacement de revenus pouvant atteindre 75 % du revenu hebdomadaire moyen. En deuxième lieu, il doit exister des prestations exclusives aux pères. Le RQAP, en tant que l’un des régimes les plus généreux au monde, répond également à cette condition.

Dans un même ordre d’idées, la transmission d’informations sur les avantages de l’utilisation du congé de paternité par des pairs a également une incidence non négligeable sur la prise de congés par les pères. En effet, ceux-ci seraient en moyenne 13 % plus susceptibles de se prévaloir d’un congé de paternité si leurs frères ou des collègues masculins l’ont déjà fait (Dahl et coll., 2014). En d’autres termes, non seulement les pères apprécient les congés parentaux, mais ils en font la promotion dans leur entourage, créant un effet d’entraînement.

Au Québec, la présence des pères dès la naissance d’un enfant est une norme sociale émergente. Plusieurs études ont non seulement confirmé cette réalité, mais nous remarquons également une transformation profonde des comportements de consommation du RQAP des nouvelles générations de pères qui désirent de plus en plus prolonger la durée de leur congé et s’investir davantage dans le développement de l’enfant et dans la vie familiale. D’ailleurs, la proportion des pères québécois qui ont prolongé leur congé de paternité avec des prestations parentales est passée de 31 % en 2006 à 42 % en 2021. De plus, en 2021, la durée moyenne des prestations combinées utilisées par les pères est de 10 semaines. Les pères québécois utilisent beaucoup plus les congés parentaux, ce qui est évocateur de leur volonté de s’engager dans la sphère familiale.

Autre fait intéressant : la participation des pères dans la vie familiale influence la conception que ceux-ci se font de leur propre rôle de parent. De nombreuses études démontrent qu’un plus grand engagement à moyen et à long terme des pères auprès de leurs enfants est observé lorsque ceuxci s’investissent dès la première année de vie (Patnaik, 2019 ; Petts et Knoester, 2018 ; Pragg et Knoester, 2017 ; Kotsadam et Finseraas, 2011). En résumé, non seulement les pères qui s’engagent dès la naissance favorisent le développement de leur enfant, mais en plus ils cultivent des relations plus étroites avec lui. Ainsi, au bénéfice de l’enfant, les jeunes pères sont plus présents physiquement et émotionnellement que les générations précédentes.

Cette nouvelle réalité génère des changements significatifs dans le monde professionnel. Comme le souligne la chercheuse Diane-Gabrielle Tremblay (2010), les nouvelles modalités du RQAP « ont induit des transformations importantes dans le monde du travail, où les pères affirment se sentir plus légitimes non seulement de prendre le congé parental, mais aussi, comme il devient plus habituel de voir les pères s’absenter pour motifs familiaux, de prendre d’autres congés ou aménager leurs horaires pour motifs familiaux ».

Les études convergent. Elles soulignent l’impact positif de l’implication des pères dès la naissance et observent un véritable changement sociétal. Les pères québécois assument de plus en plus leur rôle dans la sphère familiale et comprennent de plus en plus leur importance cruciale dans le développement de l’enfant. Cette reconnaissance émerge d’un contexte propice au Québec, unique en Amérique, et d’une compréhension croissante selon laquelle les rôles des pères et des mères ne devraient pas seulement être considérés comme distincts, mais également comme complémentaires. Tranquillement, une transition s’opère. Les pères québécois embrassent de plus en plus les congés parentaux et contribuent à la construction d’une société où l’engagement paternel est essentiel.

 


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