Par Anne Mc Donald, rédactrice Familléduc

 

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots?

Je m’appelle Pierre-Daniel Décarie, je viens de Montréal et je suis une formation en massothérapie suédoise. Physiquement, j’ai une surdité et je suis mal voyant. Récemment, j’ai aussi reçu un diagnostic lié au spectre de l’autisme. Tous ces éléments-là, j’apprends à les conjuguer à l’intérieur de ma parentalité. Je dis toujours que naître et grandir comme papa n’a pas de recette.

Au sein de notre famille, les deux parents ont des défis en lien avec des handicaps. Je vis avec ma conjointe, Anna, qui est à mobilité réduite, et notre fils, Florent, qui a 3 ans.

 

Pourriez-vous nous parler du moment où vous avez appris que vous alliez devenir parent?

Nous l’avons su près de la fête d’Anna en avril 2020. C’était un projet qu’on avait depuis 10 ans, et ç’a été un certain parcours à obstacle. C’était un peu un concours de circonstances, car nous pensions être infertiles. Mais, suite à une modification dans ma prise de médicaments, ma conjointe est tombée enceinte. Ç’a vraiment été une belle surprise.

 

Comment s’est passée cette période de préparation?

Quand nous avons appris la nouvelle, nous avons tout de suite commencé à rechercher des ressources. Nous étions très proactifs pour préparer notre réseau. Nous étions conscients qu’il y aurait des défis. Nous voulions être bien entourés. J’ai communiqué avec CooPÈRE, Alternative naissance (relevailles et préparation à la naissance), le CLSC (programme SIPPE), Parents Plus et la Fondation Olo.

Somme toute, nous étions privilégiés. Nous avions une situation où nous avions le temps de nous accompagner mutuellement pendant 9 mois pour préparer l’arrivée de Florent.

 

Est-ce que les organismes vous ont aidés à trouver des réponses?

Oui, Alternative naissance nous a accompagnés dans la préparation à la naissance. Mais, parfois, les intervenants aussi se demandaient où étaient leurs appuis et leurs relais pour aider les parents en situation de handicap. Il n’y avait pas nécessairement un parcours clair pour des parents avec notre profil.

Avec Parent Plus, nous avons préparé l’arrivée du bébé et l’évaluation nécessaire pour avoir un lit de bébé adapté. Ç’a été une aide vraiment importante.

D’un autre côté, les intervenants nous parlaient beaucoup de sécurité pour Florent. Peut-être que c’est un réflexe d’intervention, mais on voulait juste vivre notre moment. Tu te demandes où la préparation à la naissance arrête et ce que tu as le droit de vivre comme tout le monde, même si tu as un handicap.

 

Comment s’est passée l’arrivée de Florent à la maison?

Les premiers mois ont été des moments intenses. Après avoir organisé la maison et préparé toutes les choses, nous avons dû nous habituer à une nouvelle routine et à la coparentalité. C’était tout un apprentissage.

Personnellement, je me suis donné le temps de m’approprier ma paternité. Il y avait une fierté. J’avais visualisé comment je voulais vivre mes premiers moments avec Florent comme père. C’étaient des moments très heureux. Il y avait de la joie, et de l’appréhension aussi comme nouveau parent.

Avec ma formation, je fais des lectures sur le toucher professionnel. En parallèle, j’avais une réflexion sur le toucher paternel et comment j’interagissais avec Florent dans la méthode kangourou à la naissance et comment on a créé des liens en peau à peau.

 

Pouvez-vous nous parler de vos défis de père liés à vos handicaps?

Chaque handicap a ses défis et nécessite ses ajustements. Par rapport à l’autisme, avec ma conjointe, on a eu des apprentissages de communication à faire. Il m’arrive d’aller chercher des conseils auprès d’Autisme Montréal pour trouver des outils pour communiquer avec ma famille.

Quand je vais me promener avec Florent, j’ai réalisé que ma vision pouvait être un enjeu avec les pistes cyclables, les voitures et les piétons. Si on va marcher, je prends ma canne blanche. Ça envoie le signal que j’ai une limitation visuelle.

Donc, il faut s’adapter et expliquer à Florent les choses. Mon appareil auditif est encore un défi avec lui. Il faut lui faire comprendre que c’est précieux. Je travaille beaucoup pour communiquer en face-à-face avec Florent. Le port de mes appareils auditifs est un réflexe indispensable dans ma journée.

 

Pouvez-vous partager avec nous un moment spécial que vous avez vécu avec Florent?

J’ai eu la chance d’aller dans un camp familial avec Florent, mais Anna ne pouvait pas venir à cause de sa mobilité réduite. J’avais le sentiment de ne pas pouvoir être en famille; c’était vraiment frustrant ! D’un côté, ça m’a permis de consolider un moment entre lui et moi. Florent était conscient qu’il était avec papa et que maman n’était pas là. Il avait un autre comportement, et nous avons vécu un beau moment entre gars.

 

Les transports représentent-ils un autre défi?

À Montréal, le transport adapté n’a pas de volet famille lors des réservations. C’est tout récemment que nous avons pris connaissance de la réglementation liée aux taxis sur le territoire québécois avec un tout-petit! Surprise, pas besoin d’attache! Il est possible d’avoir bébé dans ses bras!

Nous avons eu l’information par les réseaux sociaux. Le transport adapté et les organismes devraient faire circuler cette information aux nouveaux parents en situation de handicap.

 

En conclusion, qu’est-ce que vous voudriez partager de votre expérience parentale?

Nous désirons développer notre autonomie de façon maximale. Nous désirons être parents et avoir l’espace d’expérimenter… comme tous les parents. En tant que papa, même avec des défis, tu peux innover, être proactif, trouver de l’accompagnement et être bien entouré. Tout est possible.