Entrevue avec Me Sophie Gagnon, directrice générale de la Clinique juridique Juripop par Lydia Alder
Juripop est un organisme à but non lucratif qui milite pour l’amélioration de l’accessibilité à la justice pour tous. En plus de proposer l’accès à des services juridiques à prix modiques, Juripop donne des conférences d’information juridique afin d’informer les citoyens de leurs droits et de leurs obligations.
Au Québec, 50 % des enfants naissent hors mariage. En cas de rupture, est-ce que les enfants sont protégés ? Les conjoints ?
Le principe directeur en matière familiale est vraiment l’intérêt de l’enfant. C’est ce principe qui doit diriger toutes les règles de droit et leurs applications. En ce qui concerne la pension alimentaire pour enfant, elle est équivalente pour les conjoints de faits et les conjoints mariés. Pour ce qui est de la protection entre les parents, on voit que le régime de droit concernant les personnes mariées est plus complet, notamment par l’existence du patrimoine familial et de la résidence familiale. Dans les faits, cela a un impact sur les enfants.
Les protections offertes aux parents varient donc en fonction du lien de mariage; par conséquent, cela crée deux catégories d’enfants : des enfants nés de parents mariés et des enfants nés de parents non mariés. Ces derniers sont plus susceptibles de vivre en situation de précarité en cas de séparation. D’où l’importance de réformer le droit de la famille et de réfléchir au fait de générer des obligations entre deux personnes, pas nécessairement au moment du mariage, mais au moment de l’arrivée d’un enfant.
Il serait fort intéressant d’avoir votre avis sur la notion de « juste compensation ».
On constate, et la recherche le souligne, que les inégalités économiques prennent naissance ou s’accentuent dans un couple lors de l’arrivée des enfants. Un des conjoints, plus souvent la femme, diminue son potentiel de progression professionnelle pour s’occuper des enfants. Dans la juste compensation, on ne doit pas seulement considérer le fait que l’un des conjoints mette un frein à sa carrière, mais aussi que cela permette à l’autre conjoint de progresser et de saisir les opportunités professionnelles. Avec une appréciation plus globale de la progression de la carrière, on constate que si l’un des parents n’avait pas été présent auprès des enfants, cela aurait eu un impact sur la carrière de l’autre. D’où l’importance de prendre en considération la part du parent qui est resté plus à la maison dans la progression de la carrière de l’autre conjoint.
Le Québec fait des envieux à travers le monde avec son régime d’assurance parentale. En matière de droit familial, sommes-nous loin du compte ?
Oui. Le professeur Alain Roy dit souvent que nous avons l’un des régimes le plus archaïque en matière de droit de la famille dans le monde occidental. Il n’y a pas eu d’adaptation du droit de la famille aux nouvelles réalités familiales depuis les années ‘80, alors basé sur des réalités sociales des années ‘60 et ‘70. Les quelques réformes qui ont eu lieu ont été faites à la pièce et jamais en profondeur.
Il y a urgence d’agir… dans combien de temps pourrait-on voir cette réforme du droit de la famille ?
Le travail a déjà été fait. En 2015, le gouvernement a mandaté un comité d’experts pour une réforme du droit de la famille. Ensuite, l’exercice qui devait suivre était une consultation, ce qui a été fait par la Chambre des notaires l’an dernier. La réflexion et la rédaction ont déjà été complétées; il n’y a aucune raison que cette réforme ne se fasse pas rapidement.
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