Par Catalina Briceno et Marie-Claude Ducas
À quel âge les enfants devraient-ils être sensibilisés aux bonnes notions permettant de faire un usage équilibré du numérique?
La réponse vous étonnera peut-être, mais c’est… avant même leur naissance! Comme parents, nous sommes les premiers protecteurs du bien-être numérique de nos enfants. Pensons-y : lorsque nous apprenons l’arrivée prochaine d’un enfant, nous mettons tout en branle pour préparer la maison. Nous achetons un lit de bébé sécuritaire, une chaise haute, un banc d’auto. Nous nous questionnons sur l’alimentation, sur les jouets à acheter ainsi qu’à savoir qui parmi nos parents et amis pourra garder. Or, nous réfléchissons très rarement à la façon dont nous allons gérer les multiples écrans qui nous entourent en présence de l’enfant.
Les parents sont même les premiers à partager des images de leur enfant, dans toutes sortes de situations et souvent sans modération. Ce phénomène porte un nom en anglais : le sharenting. Selon l’organisme canadien HabiloMédias, 75 % des parents canadiens partagent des photos ou des vidéos de leurs enfants sur les médias sociaux. Et une étude réalisée en Grande-Bretagne révèle que les parents ont partagé en moyenne 1 500 photos de leur enfant avant qu’il ait atteint l’âge de 5 ans.
Pourtant, comme parent, c’est à vous que revient la responsabilité de protéger l’identité en ligne de votre enfant : il a les mêmes droits qu’un adulte en matière de vie privée, mais il n’est pas en âge d’exprimer un consentement éclairé sur ce qui est publié. N’oubliez pas la famille élargie : exigez des grands-parents, des tantes, des oncles, des cousins et cousines qu’ils respectent vos règles, en leur expliquant les risques réels liés au surpartage de photos et de vidéos.
Il est fondamental de comprendre que, dès qu’une image ou une vidéo est partagée, on en perd le contrôle : les informations résident sur des serveurs, et les images peuvent être captées par d’autres, puis partagées. Ces traces ne s’effacent pas et vont suivre l’enfant toute sa vie. Selon une analyse réalisée au Royaume-Uni par la banque Barclays, les deux tiers des fraudes d’identité qui seront commises à partir de 2030 sur des jeunes de 18 ans et plus seront attribuables au sharenting fait plusieurs années auparavant.
Il n’y a pas que les images; certaines informations clés demandent aussi de la vigilance. Autant que possible, il faut éviter de divulguer le nom des enfants, de même que l’adresse, le numéro de téléphone à la maison, la date de naissance et le nom de l’école. Voici un conseil-roi à ne jamais perdre de vue : enseignez à vos enfants qu’ils ne doivent partager leurs mots de passe avec personne d’autre que leurs parents. Au fur et à mesure que votre enfant grandit, prenez l’habitude de lui demander la permission quant à ce que vous pouvez partager à son sujet. Vous lui ferez ainsi comprendre très tôt qu’il est propriétaire de son image et de son identité, et renforcerez chez lui la notion de consentement.
Les bases jetées dès la prime enfance vont se révéler très utiles à l’adolescence. En plus d’avoir appris à mettre ses limites, il comprendra qu’il ne peut pas faire n’importe quoi avec les photos et les vidéos représentant d’autres personnes. Ce sera très utile pour éviter le genre de dérapages dont on peut entendre parler en lien avec des photos de partys ou des photos intimes. Vous pouvez également inviter votre ado à éviter l’utilisation de données biométriques, telles que la reconnaissance faciale, pour déverrouiller son téléphone. De tels gadgets semblent cool et sont tellement plus rapides… mais vaut mieux ne jamais perdre de vue la protection de son identité numérique.
Disponible aux Éditions de l’Homme
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