Par Marianne Pertuiset-Ferland, Agente de mobilisation provinciale, Afeas
Alors que l’égalité de droit entre les femmes et les hommes est atteinte au Québec et au Canada, des inégalités de faits perdurent, et continuent de désavantager les femmes. Ces inégalités relèvent de normes genrées et de stéréotypes sexuels tenaces, liés notamment aux rôles des femmes et des hommes, et à la division des tâches au sein de la société, du milieu de travail, ainsi que des familles.
L’Afeas définit le travail invisible comme un travail effectué sans rémunération, notamment au sein de la famille. Cela comprend les courses, la lessive, le ménage, la cuisine, les soins aux enfants, ainsi que tout le travail de planification, qualifié de charge mentale. Un autre élément important du travail invisible est celui effectué par les personnes proches aidantes, qui prodiguent des soins à leurs proches malades, en perte d’autonomie, ou avec des besoins particuliers. Le travail invisible comprend aussi le bénévolat, et on voit émerger des revendications également pour la reconnaissance du travail effectué dans le cadre de stages non-rémunérés, qui sont plus fréquents dans les domaines traditionnellement féminins (Belley, Berthiaume et Simard, 2018). Aujourd’hui encore, les femmes effectuent plus de travail non-rémunéré, dit « invisible », que les hommes, au sein de leur famille et de leur communauté. Elles le font par amour, mais aussi par « devoir ». Trop souvent, cette dynamique oblige les femmes à suspendre leurs ambitions et leurs activités personnelles, sociales ou professionnelles. Le partage inéquitable du travail invisible accentue ainsi le risque se retrouver en situation de précarité et de vulnérabilité, contribuant en outre à perpétuer les inégalités de genre.
Proportion de parents qui affirment être entièrement responsables de certaines tâches domestiques, selon le sexe (2011)
Source : http://www.orfq.inrs.ca/parents-etudiants-une-realite-difficile-et-invisible
L’Afeas (Association féminine d’éducation et d’action sociale) lutte depuis sa fondation, en 1966, pour la reconnaissance du travail invisible. Cette reconnaissance politique et économique nous semble essentielle pour contrer la pauvreté des femmes et assurer leur autonomie financière.
Nous insistons également sur l’importance de la comptabilisation de ce travail et de son intégration au calcul du PIB. Le Canada s’y était engagé lors des différentes Conférences internationales sur les femmes (1985, 1995 et 2000), mais ne s’est prêté à l’exercice qu’une seule fois, en 1992. Nous estimons qu’une telle comptabilisation demeure essentielle pour la reconnaissance de cet enjeu, et pour que s’opèrent de réels changements sociaux et politiques quant à la valorisation de ce travail essentiel, et des personnes qui l’effectuent.
En 1992, Statistique Canada estime la valeur du travail non rémunéré à l’équivalent de 34 à 54 % du PIB, soit entre 235 et 374 milliards $. Indexée en dollars de 2016, la valeur du travail non rémunéré au PIB représentait entre 689 et 1 089 milliards de dollars. Pour une femme au foyer à temps plein avec des enfants, cette valeur se situe entre 37 222 $ et 45 895 $.
(Hélène Cornellier, Panel SN-ACA, 2019)
20e édition de la Journée du travail invisible
En 2001, l’Afeas a initié la Journée du travail invisible, soulignée par ses membres chaque premier mardi d’avril. Cette journée de sensibilisation permet de porter à l’attention de la population l’importance du travail invisible et de son partage plus égalitaire au sein de la société. Auprès de nos élu.e.s, cette journée vise à souligner la pertinence de mettre en place des mesures sociales et des politiques publiques adéquates pour soutenir les personnes touchées.
Lors de la 20e Journée du travail invisible, le 7 avril 2020, l’Afeas demande l’adoption d’un décret officiel par les gouvernements provincial et fédéral pour instituer, le premier mardi d’avril, la Journée nationale du travail invisible.
Afin de dresser un portrait plus actuel de l’ampleur du travail invisible effectué par les parents et les personnes proches aidantes, et de réitérer l’importance de cet enjeu, nous avons élaboré un court sondage sur le travail invisible. Nous vous invitons à y répondre en ligne grâce au lien suivant : afeas.qc.ca/repondre-a-un-sondage