Par Pascal Franco, coordonnateur de projet à la Fédération Québécoise de l'autisme
Depuis plusieurs années au Québec, des expérimentations intègrent les outils numériques, et les tablettes tactiles en particulier, dans les apprentissages scolaires et sociaux pour les enfants autistes. Comment cela fonctionne-t-il? Avec quels résultats? Éléments de réponses avec trois projets qui placent ces nouveaux usages au centre de leurs interventions...
Commençons cette immersion avec Nao, un petit bonhomme d’à peine 60 centimètres de haut, en pleine discussion avec Paul, un enfant autiste. Nao, lui, est un robot humanoïde en plastique bicolore! Composé de caméras, de capteurs et de microphones, il peut voir, entendre, reconnaître et interagir, quasiment comme le ferait un humain. Depuis plusieurs années, Nao est au cœur du travail de la Chaire de recherche en éducation du Canada, dirigée par Thierry Karsenti. « En dehors des apprentissages scolaires (français, mathématiques, etc.), Nao a des répercussions très positives en matière de communication, de collaboration et d’habiletés sociales pour les enfants autistes, explique-t-il. Plusieurs fois, nous avons observé que des élèves non verbaux arrivaient à communiquer oralement avec Nao au bout de quelques séances. Pour certains enfants, la communication reste limitée à quelques mots, voire exclusivement envers Nao. Mais on constate souvent une progression entre un premier contact sans aucune considération, puis la prise en compte des consignes de Nao jusqu’à, pour finir, une véritable interaction avec lui. »
Les parents cliquent aussi
Rendez-vous maintenant dans les classes spécialisées de l’école de l’Étincelle, à Montréal. Ici, c’est la tablette iPad qu’utilisent désormais quelque 125 élèves autistes. Les bienfaits? « Les élèves non verbaux ou qui ont des difficultés langagières peuvent communiquer leurs besoins qui sont compris par n’importe quel intervenant, précise Mélanie Côté. La motivation suscitée par l’utilisation des tablettes permet aussi aux élèves de développer une multitude d’apprentissages. » Français, mathématiques, jeux sensoriels, divertissement… Là encore, la panoplie des applications utilisées est étendue et permet l’acquisition de réelles connaissances. Autre avantage : l’implication des parents. « Ils peuvent reproduire à la maison exactement les mêmes apprentissages avec un simple toucher du doigt, reprend Mélanie Côté. Les apprentissages sont généralisés et consolidés pour tous les environnements de l’enfant. »
Des leviers d’apprentissage polyvalents
À la Commission scolaire des Affluents, Stéphanie Proulx, enseignante, et Lucille Gagné, technicienne en éducation spécialisée, sont, elles, à l’origine de la création d’une classe AVAN (Apprendre avec votre appareil numérique) à l’école Le Castelet, qui compte au total six classes TSA (deux pour chaque cycle d’âge). Grâce aux iPads déployés dans leur classe depuis plusieurs années, « on constate une grande augmentation de la motivation des élèves, souligne Lucille Gagné. Souvent, on peut aller plus loin dans les apprentissages et les exercices, car ceux-ci ne sont pas papier-crayon. Pour les devoirs, c’est un peu plus motivant de les faire à l’aide de la technologie. On remarque moins d’opposition, et les élèves deviennent aussi plus autonomes. La rétroaction immédiate et la possibilité de recommencer quand ils font une erreur permettent aux élèves d’être moins anxieux à l’égard de la tâche et aussi d’accepter de corriger leurs erreurs de manière autonome ». Et Stéphanie Proulx d’insister : « L’enseignement devient plus motivant, plus interactif. AVAN permet de pratiquer la classe inversée (par découverte personnelle, par essai-erreur), de faire un enseignement de groupe (malgré les différents niveaux) et ensuite de différencier selon le niveau scolaire de chaque élève. »
Pour en savoir plus sur ces projets et d’autres, consultez le dossier de l’Info-MEMBRES de février 2020