Par Valérie Bérard, infirmière clinicienne
Est-il raisonnable, voire réaliste, d’espérer de nos enfants qu’ils s’adaptent à notre routine bien chargée et, de surcroît, qu’ils performent à la hauteur de nos attentes ou de nos espérances dans toutes les sphères que nous jugeons prioritaires, et ce, sans difficulté, sans échec ?
La société actuelle est exigeante. Son rythme est effréné et elle semble moins tolérante face à l’échec ou à l’erreur. Pas le temps de se tromper, pas le temps de recommencer ou l’horaire s’en trouve chamboulé. Tout est cédulé, calculé, planifié, organisé, structuré, coordonné… Alouette ! Et nos enfants dans tout ça ? Suivent-ils notre cadence ? En fait, la vraie question à se poser est la suivante : Suivons-nous le rythme de nos enfants ?
Il serait inapproprié de jeter la faute sur l’incompétence, l’inintelligence ou la lâcheté d’un enfant pour expliquer son incapacité à réaliser certaines tâches scolaires, sportives ou autres, sans s’autoévaluer, en tant qu’adulte et modèle de ses apprentissages. L’incapacité de certains enfants à composer adéquatement avec des situations anxiogènes est parfois le reflet d’une incapacité similaire ou associée chez leurs parents. Mais la routine est sécurisante pour les parents comme pour les enfants. Nous sommes contents quand ça va bien et nous n’avons pas le temps pour ce qui va mal… Autant exiger la perfection !
L’anxiété de performance est une version pathologique du stress qui survient dans un contexte donné où un résultat attendu est anticipé et perçu de façon négative, et que le processus de recherche d’une solution est absent ou infructueux. Bien que la notion de stress soit présente dès le plus jeune âge, le stress lié à la performance chez l’enfant fait généralement son apparition vers l’âge de six ans, soit durant la période de transition correspondant à la rentrée scolaire où l’enfant prend conscience de son nouvel entourage et où il apprend à se comparer. Il sort de sa zone de confort familial où il était le meilleur, le plus gentil et le plus beau. Le stress, s’il est bien géré, peut alors devenir un moteur qui amènera l’enfant à vouloir se dépasser. Dans le cas contraire, il nuira à ses apprentissages et à la réalisation d’activités parfois fort simples.
Plusieurs facteurs modulent le potentiel d’un enfant à développer un problème lié à l’anxiété : sa personnalité, bien sûr, mais aussi la stabilité de son environnement, les expériences vécues, sa capacité à s’exprimer, la qua-lité de l’écoute des parents et de l’entourage, les stratégies d’adaptation apprises, plusieurs éléments du quotidien, et j’en passe. Selon la littérature, l’anxiété peut se révéler sur trois ou quatre volets à des degrés divers : la cognition (capacité d’apprentissage, concentration, attention, etc.), le comportement (hyperactivité/passivité, agressivité, etc.), les réactions physiques (maux de ventre, maux de tête, eczéma, etc.) et les réactions émotionnelles extrêmes, hors contexte ou autres.
Il semble que l’anxiété de performance suit une courbe décroissante jusqu’à la préadolescence pour ensuite reprendre en force avant l’entrée au secondaire. Mais il est faux de croire qu’elle disparaîtra d’elle-même avec le temps. Un niveau d’anxiété soutenu est dommageable pour la santé. Nos enfants méritent que nous apprenions à développer une bonne écoute, à les encourager davantage pour leurs efforts que pour leurs succès, à explorer leurs champs d’intérêt, à trouver du temps pour s’arrêter, à identifier les sources d’anxiété et les bons moyens pour l’apaiser. Mais c’est d’abord à nous de donner l’exemple. Surtout, ne nous montrons pas plus exigeants envers eux qu’envers nous-mêmes.