Par Corinne Dupré
Les éducateurs et les parents doivent-ils encourager les enfants à utiliser plusieurs langues dès leur plus jeune âge ? Quelques éléments de réponse avec des spécialistes de l’enseignement.
Au Québec, les langues se mêlent mais ne s’emmêlent pas !!
Les deux principales langues officielles du Canada sont le français et l’anglais. Le chinois arrive en troisième position des langues les plus parlées sur le territoire. Selon les derniers chiffres publiés en 2006 par Statistique Canada, notre société est plus multilinguiste que jamais ! C’est pourquoi, au Québec, comme partout dans le pays, un apprentissage adéquat et une bonne maîtrise des diffé-rentes langues officielles, dès le plus jeune âge, est un défi pour les éducateurs et une préoccupation majeure pour les parents.
Familléduc (F. É.), avec l’aide de Madame Françoise Armand (F. A.), titulaire d’un doctorat en didactique (méthodes d’enseignement) des langues maternelle et seconde et professeure à l’Université de Montréal, proposent des pistes de réponse à quelques interrogations courantes liées à l’acquisition, à l’utilisation et à la maîtrise précoce de différentes langues.
ÉLODIL (Éveil au Langage et Ouverture à la Diversité Linguistique)
est un programme qui consiste, entre autres, en un éveil aux langues et dont les activités
sont conçues en concordance avec le programme d’éducation du préscolaire québécois.
Ainsi, différents thèmes y sont abordés :
- « Éveil aux langues » (Permet aux enfants de se familiariser avec la diversité linguistique et d’explorer de façon active des langues
différentes.) - « Métaphonologie plurilingue » (Utilise la diversité linguistique pour favoriser chez les enfants le développement de leur capacité à pouvoir
« jouer » avec les sons : métaphonologie). - « Développement du langage oral » (à travers un module de sept rencontres, « Les toutous »).
http://www.elodil.com/prescolaire.html
Que diriez-vous d’une petite discussion entre amis sur le multilinguisme ?
Francine (27 ans), mère de Maxime (3 ans) : « Mon mari est anglophone et moi francophone. N’y a-t-il pas un risque que mon fils mélange les langues en grandissant ? »
F. É. : « C’est peu probable ! C’est au moment de l’acquisition de la parole que l’apprentissage de diffé-rentes langues est le plus favorable. Il est préférable de laisser Maxime utiliser indistinctement les deux langues, jusqu’à ce qu’il choisisse celle qui, pour lui, sera dominante. Cependant, il est important que votre enfant comprenne qu’il ne s’agit pas d’un choix entre « Papa » et « Maman ». Maxime s’exprimera simplement dans la langue dans laquelle il est le plus à l’aise, et il est important de l’encourager dans ce sens. »
Caroline (30 ans), mère de Noémie (4 ans) : « L’école de Noémie dispense un enseignement en français et en anglais. Cela ne risque-t-il pas de retarder son développement général ? »
F. É. : « Il est possible que Noémie rencontre un petit retard de langage. Mais autour de l’âge de 5 ou 6 ans, en général, tout revient à la normale. Il s’agit simplement du temps nécessaire pour que ces apprentissages s’ajustent. Ses acquisitions seront, au contraire, consolidées, et plus tard, l’initiation à d’autres langues sera facilitée. »
Bianca, enseignante de maternelle au Québec : « Doit-on encourager les élèves allophones (qui ne parlent ni le français, ni l’anglais) à utiliser leur langue maternelle en classe ? »
F. A. : « Le rôle de l’enseignant est avant tout celui d’un « funambule ». C’est-à-dire qu’il doit trouver un équilibre entre sa mission de francisation ou d’anglicisation et la dimension symbolique qui consiste à faire que la langue maternelle de l’enfant soit une richesse. L’école doit être un lieu privilégié où les liens entre les différentes langues se font et se complètent. Ainsi, si l’enfant utilise sa langue d’origine en classe, l’enseignant(e) doit ame-ner le tout-petit à traduire le plus possible ses attentes ou ses demandes dans la langue privilégiée à l’école. »
Hou-Chi (32 ans), père de Jia (6 ans) : « Notre langue maternelle est le cantonais et nous sommes depuis peu résidents au Québec. Doit-on privilégier, comme on nous l’a conseillé, l’utilisation du français (langue parlée à l’école de Jia) ou celle du chinois ?
F. É. et F. A. : Il est encore malheureusement trop souvent conseillé aux parents d’enfants allophones de privilégier la langue du pays d’accueil à la maison. Cependant, il est préférable, afin que les différentes transmissions (culturelles, émotionnelles ou autres) soient efficaces, que les parents s’expriment dans la langue de l’affection spontanée (langage du pays d’origine). Cela permet à l’enfant de développer un bi ou un plurilinguisme additif (harmonieux), opposé au plurilinguisme soustractif, où l’identité d’origine n’est pas reconnue. Le multilinguisme est avant tout une richesse culturelle et les enfants migrants doivent pouvoir s’imprégner de la culture du pays d’accueil par le biais de la langue, sans pour autant perdre leurs liens avec leur culture d’origine.
Et pour les langues autochtones ?
Des dialectes autochtones, tels que le cri (langue algonquienne) ou l’inuktitut (langue inuit), sont enseignés et officialisés le long du golfe du Saint-Laurent et dans les régions du nord-ouest canadien. Ainsi, Daniel Lafleur, directeur adjoint au service éducatif de la Commission scolaire Kativik, nous renseigne sur la langue d’enseignement pour les élèves du Nunavut (Inuits ou autres) :
- De la maternelle à la 2e année : uniquement l’inuktitut.
- À partir de la 3e année : 50 % en inuktitut et 50 % en anglais ou en français (selon le choix des parents)
- À partir de la 4e année à la fin de la scolarité : 40 % en inuktitut et 60 % en anglais ou en français (en fonction du choix fait en 3e année)
Selon Monsieur Lafleur : « Il est important de prendre en compte les réalités culturelles en faisant la promotion de la langue inuktitut et ainsi encourager sa survie, son épanouissement et son adaptation au monde moderne. Le pluralisme langagier et culturel est d’abord un atout pour la province. »
Site internet pour apprendre l’inuktitut en s’amusant :
http://www.kativik.qc.ca/en/node/1999