Par Corinne Marois
Léa, 2 ans, vient tout juste d’être admise dans la garderie Chez Caroline, tenue par une éducatrice en milieu familial qui demeure près de chez elle. Caroline remarque que Léa s’intègre bien, elle est intéressée à découvrir les jeux, va vers ses nouveaux amis, adopte bien la routine. Seul problème à l’horizon : Léa utilise environ 5 mots pour s’exprimer. Caroline devrait-elle s’inquiéter ? Peut-elle faire quelque chose pour soutenir Léa dans son développement langagier ?
Les difficultés de langage sont une problématique observée en petite enfance qui, selon les études consultées, peuvent toucher à court, moyen ou long terme jusqu’à 15 % des enfants, et ce, à des degrés de sévérité très variables. Effectivement, la recherche fait état, entre autres, de deux problèmes principaux concernant le développement du langage risquant d’affecter les enfants d’âge préscolaire : le retard de langage et le trouble de langage. La différence majeure entre ces deux problèmes tient au fait que l’on considère généralement le retard comme étant « corrigé » ou près de l’être au seuil de l’âge scolaire alors que le trouble langagier se caractérise par des atteintes plus sévères et persistantes dans le temps. Considérant en plus que le développement global peut être très différent d’un enfant à l’autre, il devient ardu pour les éducatrices et éducateurs de faire la part des choses en ce qui concerne les enfants qui devraient recevoir une aide plus spécifique sur le plan langagier.
Il est pertinent de savoir toutefois que, de façon générale, les premiers mots d’un enfant apparaissent autour de 12 mois (ex. : papa, maman, non, bébé, encore, parti, veut, etc.) et que ces mots ne sont pas nécessairement bien prononcés. Comme pour bien d’autres aspects du développement, il existe aussi des éléments (appelés préalables à la communication dans ce cas) qui précèdent l’apparition des premiers mots. Ces éléments sont primordiaux pour les apprentissages futurs sur le plan communicatif et il est important de s’assurer de leur présence avant d’insister sur d’autres aspects chez les tout-petits, comme la quantité de mots par exemple. Il s’agit, de façon non-exhaustive :
- de l’intérêt envers la personne humaine (le fait de comprendre que c’est en demandant à quelqu’un que je vais pouvoir obtenir ce que je désire) ;
- du contact visuel avec l’interlocuteur ;
- de l’attention conjointe (le fait de porter en alternance son attention, son regard sur un objet et sur la personne qui parle de ce même objet ; en effet, comme enfant, ma compréhension des mots se construit lorsque je fais le lien entre ce que l’adulte me dit d’un objet et cet objet que je vois) ;
- de la permanence de l’objet (le fait de se rappeler qu’un objet ou qu’une personne existe même s’il ou elle disparaît de mon champ de vision ; en effet comment comprendre de quel objet on me parle si je ne me souviens pas de cet objet une fois qu’il est disparu de ma vue) ;
- de l’imitation motrice (le fait d’imiter les mouvements de l’adulte) et verbale (le fait d’imiter tout d’abord les bruits, puis les mots de l’adulte) ;
- de la notion de tour de rôle dans l’interaction (le fait de comprendre qu’après que l’adulte ait parlé, c’est à mon tour de réagir sur le plan
verbal) ; - etc.
Peu importe si un enfant présente un retard ou un trouble langagier, certaines actions peuvent être posées directement dans les milieux de vie de l’enfant pour faciliter son intégration et même stimuler le développement de son langage. Il est essentiel cependant de se rappeler comme adulte que pour que le langage se développe, la communication avec l’autre se doit d’être agréable et naturelle, c’est-à-dire être le plus près possible des situations quotidiennes que vit l’enfant (les repas, les collations, l’habillage, la promenade, etc.).
Par ailleurs, le fait d’attirer l’attention ou le regard de l’enfant avant de nommer l’objet ou le jouet qui l’intéresse peut aider cet enfant à capter les mots utilisés. Afin d’attirer l’attention de l’enfant, avant de lui donner l’objet qu’il désire, et lorsqu’il est possible de le faire, il est pertinent d’approcher l’objet de notre bouche en le nommant. De plus, attendre que l’enfant formule ce qu’il veut, à sa manière (c’est-à-dire de façon verbale ou non : en pointant, gémissant, pleurant, regardant), permet ensuite de mettre des mots réels et bien prononcés sur ses besoins et désirs. Par exemple, dans le cas où un enfant pointerait un jouet hors de sa portée, il serait pertinent que l’éducatrice ou l’éducateur dise : « tu veux le camion, le camion » avant de lui remettre le camion sans pour autant exiger que l’enfant répète le mot « camion ». En effet, faire répéter des mots à un enfant alors qu’on sait ce qu’il nous dit ou ce qu’il veut dire est plutôt inefficace et même décourageant pour lui.
Une autre manière d’aider l’enfant est de ralentir, comme adulte, notre débit de parole et d’insister sur certains mots saillants de notre discours. La vie va si vite que l’on oublie parfois que l’on s’adresse à des petits qui commencent à peine à décoder des sons, des mots et des phrases que nous employons pour notre part depuis plusieurs décennies. Afin d’aider un enfant dont l’apprentissage du langage est ardu, tentez d’imaginer votre arrivée dans un pays dont la langue vous est inconnue. Qu’auriez-vous besoin afin d’apprendre à décoder ce langage ? Fort probablement de gestes, d’un débit de parole plus lent, d’encouragements de la part de vos interlocuteurs lors de vos essais et pas seulement lors de vos réussites dans cette langue...
Finalement, il est important de savoir que malgré tous les bons soins que l’on apporte à l’enfant âgé entre 0-5 ans, certains auront besoin d’une aide plus intense et plus spécifique de la part d’un professionnel du langage, un ou une orthophoniste. Vous pouvez vous informer auprès du CLSC de votre région afin de connaître les services publics offerts aux parents ainsi qu’aux éducatrices et éducateurs en milieu de garde. Sinon, sachez que plusieurs cliniques privées, comme la clinique ERGOSUM (418 655-3746) dans la région de Québec et Chaudières-Appalaches, offrent des formations aux milieux de garde intéressés, autant sur le développement normal du langage et les signaux d’alarme en orthophonie que par des stratégies de stimulation du langage en milieu de vie.