Entrevue avec Raymond Villeneuve, directeur du Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP) par Lydia Alder
J’ai rencontré un homme engagé et positif. Un homme qui croit profondément à l’importance de l’engagement paternel dans une perspective familiale, pour le bien-être des enfants et dans le respect de l’égalité entre les sexes. Un homme qui constate que les choses bougent et qui
veut contribuer à les faire bouger encore plus rapidement. Raymond Villeneuve dirige le Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP) et s’implique auprès des pères depuis plusieurs années.
Qu’aimeriez-vous partager avec nos lecteurs au sujet des pères au Québec ?
Il est important de réaliser que notre société a énormément changé depuis 30, 40 ans. On observe une progression constante du temps par semaine que les hommes passent avec leurs enfants et du temps qu’ils consacrent aux tâches ménagères. Il semble qu’avec les pays scandinaves, le Québec soit un des endroits où les pères sont les plus présents. Être parents à deux constitue un enjeu majeur ; la coparentalité passionne les nouveaux parents. Les pères revendiquent le droit de participer aux décisions et expriment le désir de se distinguer et d’être plus proches de leurs enfants que la génération précédente. Leur désir d’être présents est très clair. Il faut apprendre à être parents à deux. Les pères doivent prendre leur place. Les mères doivent aussi apprendre à reconnaître ce que les pères font, pas seulement ce qu’ils ne font pas ou ce qu’ils ne font pas de la manière souhaitée par les mères... Chaque couple doit trouver sa façon de fonctionner et reconnaître l’implication de l’autre.
L’implication des pères est-elle si différente de celle des mères ?
Les études constatent que les pères entrent beaucoup en relation avec leurs enfants par le jeu et qu’ils prennent plus de risques que les mères. Cette spécificité ne doit pas être perçue comme un obstacle, dans la mesure où la sécurité de l’enfant est assurée, mais plutôt comme un bénéfice. La période 0-2 ans est parfois plus ardue pour les hommes, car le jeu et la parole sont limités chez le jeune enfant. La grossesse et l’allaitement peuvent créer une bulle entre la mère et l’enfant. Le père aura alors un rôle de soutien, bien sûr, mais devra tenter de se créer des petits moments avec l’enfant pour développer la relation. Il est important d’établir une relation avec son enfant dès le plus jeune âge. Plus tôt la relation est établie, plus fort sera l’attachement.
Le père est souvent considéré uniquement dans son rôle de soutien à la mère ; on lui parle rarement de son rôle de père en tant que parent et de l’importance de son engagement pour son enfant. Quand on parle aux pères de leurs enfants, on les prend au coeur. Il faut leur dire « Vous êtes importants pour vos enfants ». On veut que les hommes s’impliquent davantage et on les soutient rarement quand ils ont besoin d’aide. Il y a donc une certaine contradiction entre ce qui se vit dans notre société, le désir de parentalité partagé des jeunes parents et l’état des services et des politiques sociales québécois. Certains signaux émanent cependant actuellement des décideurs politiques qui semblent souhaiter une meilleure intégration des réalités paternelles dans les actions gouvernementales.
Quelles sont les ressources pour les pères ?
Il existe peu de services pour les pères en grande difficulté, pour les pères en crise, pour les pères qui, pendant le processus de séparation, ont besoin de soutien juridique, émotionnel ou d’hébergement. En tant que société, nous devons reconnaître que le père est un parent à part entière et qui, dans certaines situations, peut avoir besoin d’aide. La reconnaissance est un besoin fondamental pour tout être humain, alors pourquoi ne pas reconnaître que les pères comme les mères ont besoin de reconnaissance et de soutien ?
Le RVP a récemment publié un rapport fort intéressant « Être présents sur la route des pères engagés » ainsi qu’un répertoire des organismes de soutien pour les pères.
Ces ouvrages sont disponibles sur le site du RVP au